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Dossier spécial : Pas d’avenir sans digital – Sophie Fontanel

Sophie Fontanel, Écrivaine et journaliste « Instagram crée un lien direct avec les autres »

Ecrivaine et journaliste, cette passionnée de mode réunit aujourd’hui une communauté de 250 000 followers sur son compte Instagram @sophiefontanel. Un succès absolu mais aussi un cas d’école tant celui-ci concentre, avec un rare savoir-faire, tout ce qu’attendent les fidèles de la plateforme. Pour Première Vision, Sophie Fontanel dévoile les coulisses d’une démarche qui mêle complicité, expertise et sens de l’époque.

Quand avez-vous créé votre compte et avec quel objectif ?

Je l’ai lancé en 2015 mais j’avais, auparavant, créé un blog sur le site du magazine Elle où j’étais journaliste. Il fonctionnait bien et m’a permis, très vite, de comprendre à quel point les gens avaient besoin de lien. Je proposais des rendez-vous quotidiens, quelque chose de très personnel. Je publiais des looks qui me plaisaient et décryptais avec humour les actus, les tendances. Lorsque j’ai quitté Elle, j’ai écrit sur mon dernier post qu’il faudrait désormais me suivre sur Instagram. Le lendemain, 20 000 followers m’avaient déjà rejointe ! Aujourd’hui, je partage mon temps entre l’Obs où j’écris des critiques mode et mon Instagram. Ces deux médias ont participé à construire ma notoriété.

Comment expliquez-vous un tel succès ? 

C’est une affaire de lien mais aussi d’expertise. J’aime la mode depuis toujours. A Canal +, j’en parlais déjà mais c’est durant mes années Elle que je suis devenue spécialiste, tout en construisant un discours différent. A la fois sociologique, amusant et incarné, ce qui est très important. Sur mon insta, on me voit, je présente les vêtements sur mon propre corps. En revanche, je dévoile rarement mon visage. Cette pudeur est aussi une façon de désigner mon propos : montrer comment je m’en sors en m’habillant. Mes looks correspondent à une quête, celle d’une allure parfaite. J’ai récemment fait la couverture de Kunel, un magazine japonais. Et suis très fière de cette image qui a fait le tour du monde car je crois avoir parfaitement réussi ma silhouette !

Vous donnez à voir bien plus que de la mode ?

Je n’ai pas de stratégie mais je sais où je vais. Cet Instagram fonctionne car il y a de la vérité et une mode qui s’inscrit dans un rapport au monde, une façon de vivre. Je gère mon compte comme un magazine. Je reçois des pièces de différentes maisons, je les sélectionne et mon propos est de dire, en conscience, ce que j’en pense. J’achète aussi des vêtements -au Monop’, dans les friperies, les boutiques de vintage- qui participent à composer un style et un mode de vie. Les gens me suivent car ils trouvent une réassurance. Certaines femmes me disent : « vous me faites aimer mon âge ». Je ne donne pas de mode d’emploi, j’exprime un point de vue de façon nuancée. « Je pense qu’il est compliqué de porter une mini-jupe après 50 ans mais une mini-robe, l’été, c’est possible ».

Les réseaux sociaux ont-ils participé à désacraliser la mode ?

Elle s’est désacralisée toute seule : les séries ne font plus rêver ! Instagram a surtout montré que la mode pouvait aller dans la rue et cela a libéré les gens, sachant que beaucoup sont très conventionnels. Cette évolution tient aussi à la créativité de nouveaux influenceurs. Certains, hélas, se contentent encore de poster les pièces qu’ils reçoivent en se mettant en scène. Ils vont même jusqu’à se filmer en déballant le paquet ! Où est le travail ? Mais je vois une nouvelle génération très différente émerger, plus créative, plus libérée socialement. Je pense notamment à Jean-Jacques Ndjoli, 25 ans, qui vit à Sarcelles et a commencé par récupérer les vêtements de son père avec lesquels il a construit des looks mais surtout un vrai univers, avec un sens de l’image qui séduit et inspire. Aujourd’hui, il travaille pour de grandes marques alors qu’il n’aurait jamais pu être mannequin, ou rejoindre un journal de mode. Là encore, il n’est pas tombé dans la tyrannie de l’apparence, sa démarche est raisonnée.

De quelle façon les maisons utilisent-elles Instagram ?

La plupart n’en tire pas vraiment parti. Elles achètent des followers, distribuent des contenus, postent des images un peu figées qui ont davantage leur place sur papier glacé que sur les réseaux sociaux. Pour que cela marche, il faut rentrer de la vie mais les marques ont souvent peur de la vie. Gucci réussit cela parfaitement, avec une esthétique extraordinaire et une façon de mettre de la couleur dans un quotidien. Quelle vie pour aller avec ces vêtements ? Quel rapport entre le vêtement et ce que l’on ressent ? Bref, quel sens donne une maison à sa mode…  L’interrogation est essentielle car les consommateurs savent désormais le prix de chaque pièce, et il est souvent très élevé. Du coup, s’impose plus que jamais la question de la Raison d’Etre.

Comment allez-vous poursuivre votre démarche ?

Je continuerai seule, c’est ce qui fait la beauté de l’aventure. Un jour, je n’aurais peut-être plus envie de montrer mes looks mais je ne réfléchis pas à demain. Pour le moment, je vais m’intéresser aussi à la déco. Un site important m’a approchée et je vais mettre en scène mes sélections, avec la même philosophie.

Vous avez dit un jour « Instagram m’a guérie de tout »

C’est vrai ! Il m’a guérie de l’éventuelle amertume d’avoir été virée de Elle ; de la peur de vieillir ; des complexes que j’ai longtemps eu ; de l’anonymat… Je fais désormais partie des 500 personnalités les plus influentes de la mode selon Business Of Fashion. Mais Instagram est surtout un lieu où je peux être, penser et m’exprimer. J’écris des romans, de la poésie et je me suis libérée du système de la promotion. 250 000 personnes me suivent, je reçois 400 messages par jour. J’ai créé un lien direct avec les autres.

Dossier spécial “Pas d’avenir sans digital” – la suite :

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