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Smart Key : Les fibres libériennes – Lin, chanvre et ortie, le nouvel eldorado responsable ?


Perçons les secrets des matières éco-responsables avec les Smart Keys. Au cœur des questionnements autour de l’éco-conception, les Smart Keys s’intéressent à l’analyse des solutions disponibles pour vous accompagner dans un sourcing matière toujours plus éclairé. Aujourd’hui, intéressons-nous aux fibres libériennes. Leurs qualités écologiques ont toujours été connues. Au point d’être associées il y a encore une poignée d’années aux clichés de vêtements « écolo » sans saveur.

De baba-pas-très-cool à hype responsable, comment les fibres libériennes ont-elles opéré la bascule ?


Liber-action

Les fibres libériennes font figure à la fois de matières historiques et d’iconiques de l’éco-responsabilité. Les ouvrages témoignent d’une utilisation depuis des milliers d’années pour le lin, le chanvre ou la ramie. L’arrivée de l’industrialisation apportera des solutions techniques avec notamment des machines pour peigner le lin et renforcer les filatures.

Cependant, c’est aussi cet avènement de l’industrie textile et la fin du travail artisanal, couplé ensuite à l’essor du coton, plus facile à récolter et filer, qui viendront mettre en dormance les filières libériennes.

Depuis quelques années, elles sont de retour sous le feu des projecteurs grâce à leurs qualités vertueuses intrinsèques, en adéquation avec les préoccupations environnementales. Si la matière guide un tomber, il restait aux designers de s’en emparer et de les emmener vers de nouveaux territoires stylistiques. C’est en jouant avec des transparences, avec leur solidité idéale pour du workwear, ou sur des volumes oversize qui ont de la tenue sans être raide, que les créateurs vont les amener vers de nouveaux registres.

Des coupes répondant à des codes androgynes faisant le bonheur des générations gender fluid à l’esthétique éco-consciente, qui ont vu pas moins de 102 % d’augmentation des looks en lin dans les collections de l’été 2021 ! Légèreté et solidité, sophistication sans côté clinquant, elles parviennent à incarner l’équilibre et symbolisent une résilience face aux enjeux climatiques.


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Qualités à cœur

Les fibres de lin, chanvre et ortie, sont logées dans le liber, au sein de la tige des plantes. Une fois récoltées, l’action du rouissage, effectué par alternance de pluie et soleil, permet d’éliminer la pectose du lin pour détacher les fibres. Le teillage permet ensuite la séparation mécanique pour en extraire les fibres.

Jusque dans les années 1950, le chanvre connaissait un rouissage et teillage similaire au lin. Depuis, il est défibré mécaniquement pour séparer la fibre externe, la filasse, de la chènevotte, au centre, employée pour l’isolation phonique et thermique.

La ramie, ou ortie de Chine, passe par l’étape de décorticage pendant laquelle la matière verte de l’écorce est enlevée, puis par le dégommage qui traite les lanières extraites pour détruire le ciment végétal, tout en conservant sa solidité et son éclat.

Les 3 fibres ont des filages semblables, après cardage et peignage. Comme pour un bon vin, les secrets du lin et du chanvre résident dans l’assemblage de lots pour parvenir à une qualité homogène et stable.

Des atouts incontestables

Si leurs aspects et mains diffèrent, les lins, chanvres et orties présentent des caractéristiques environnementales communes, véritables bienfaits pour la biodiversité.

  • Économes en eau– Reposant sur un apport pluvial, les plants ne sont pas irrigués, sauf en cas de gros stress hydrique
  • Des intrants minimes – Les ressources des sols peuvent suffire à ces plants résistants ou être combinées à des pratiques agricoles raisonnées, comme c’est le cas des producteurs de lin européen European Flax®
  • Rotation des cultures – La culture du lin et du chanvre se fait en rotation. Elle favorise l’activité naturelle des sols, permettant de les structurer, les stabiliser et les renforcer, tout en améliorant les qualités des cultures suivantes.
  • Puits de carbone – Grâce à leur système racinaire, le lin et le chanvre fixent de grandes quantités de carbone dans le sol.
  • Zéro déchet – Chaque élément de la plante peut être mis à profit. Les fibres longues et courtes sont utilisées en habillement ou en ameublement, pour fabriquer des cordages ou du papier, ou encore devenir des composites pour le bâtiment. Les graines permettent de faire de l’huile de lin ou chanvre, les résidus d’ortie peuvent se transformer en teinture ou en aliment riches en protéines pour les bovins… les potentiels de valorisation sont nombreux.

Performances physiques

Ce trio libérien se retrouve sur leurs qualités de haute résistance et de respirabilité très élevées. Elles garantissent une bonne ventilation, et ont un rôle thermorégulateur, alliant frais en été et isolant en hiver.

Le lin joue de ses atouts casual chic, alliant solidité et brillance discrète. C’est la fibre libérienne, reine par excellence aux attraits plébiscités ; en témoigne une croissance de 132% des surfaces de lin européen entre 2009 et 2020.

Le chanvre, presque disparu en Union Européenne dans les années 60, a trouvé son salut grâce à la fabrication papetière. Il connait désormais un engouement pour ses qualités responsables, et se voit mis en avant particulièrement dans le denim, où les fibres courtes sont utilisées en version cotonnisées, mélangées avec du coton.

L’ortie comprend plusieurs variétés. La ramie attire pour ses fibres lisses, uniformes, souples, à l’aspect lustré. Ces caractéristiques valent à l’ortie de Chine les noms de « lin oriental » ou « soie végétale ». L’ortie géante de l’Himalaya est une variété rustique, avec un toucher plus rêche, mais avec des fibres très résistantes, particulièrement intéressantes pour des toiles épaisses. En Europe, sur les 11 variétés d’orties recensées, la Grande ortie, Urtica Dioica, est la seule à être utilisée en tant que fibre textile.


Si elles paraissent presque miraculeuses par les temps actuels, comment valoriser et accompagner le développement de ces fibres à faible impact sur l’environnement ?


Smart Key #1 – Tracer et certifier

Pour soutenir leurs avantages, les lins, chanvres et orties doivent être tout autant tracés et mesurés que les autres fibres.

Les lins bénéficient de 2 labels attestant de leur haute qualité, avec des standards de fibres longues, et des approches communes des teilleurs, peigneurs et filateurs, tant dans le choix des variétés que dans les techniques de culture avec objectif 0 intrant. European Flax®, garantit la traçabilité des lins premium cultivés en Europe de l’Ouest, sans OGM et irrigation.

Masters of Linen ®, Graal du lin européen, certifie toutes les étapes : du champ, au fil, à l’étoffe fabriquée avec des fibres European Flax. Les chanvres et orties pourront allier leurs qualités naturellement vertueuses au standard Oekotex 100 pour assurer l’innocuité des productions.

Les qualités bio, bien que représentant des volumes minimes pour le moment, sont vérifiables grâce aux certifications OCS ou GOTS. Le chanvre et la ramie restent des produits de niche onéreux, souvent car les volumes restent moindres et ne permettent pas des économies d’échelle, d’où le besoin de développer des solutions industrielles pour les rendre plus accessibles.

Smart Key #2 – Prendre part à l’innovation et la montée à échelle

Le développement industriel de ces fibres, affaibli par des décennies d’hégémonie du coton, nécessite d’être redynamisé. Les choisir, c’est aussi s’investir dans des développements à longs termes pour soutenir la nouvelle mue de la filière libérienne.

La ramie repose sur des traitements mécaniques, sans produit chimique et reste délicate à filer avec les procédés actuels. Le chanvre et la ramie restent des produits de niche onéreux, souvent car les volumes restent moindres et ne permettent pas des économies d’échelle, d’où le besoin de développer des solutions industrielles pour les rendre plus accessibles.

Les coproduits générés par une même plante peuvent amener des valorisations diverses et les rendre économiquement plus rentables en construisant différentes filières autour de ces différentes composantes. Le rouissage et teillage du chanvre restent un frein à un passage à échelle conséquente, et la fibre, assez épaisse, ne peut pour le moment pas être employée au-delà de 20 à 30% en composition.

Des perspectives encourageantes sont à l’étude avec l’adaptation du chanvre pour passer sur les lignes de teillage de lin, ou le développement des pailles de chanvre comme ressource cellulosique pour développer de nouvelles matières artificielles, ouvrant ainsi le champ des possibles d’ici 2 à 3 ans.

Smart Key #3 – Soutenir la restructuration et les atouts des filières européennes

Chef de file des fibres libériennes, le lin connait un véritable rebond, porté par des marques soucieuses de développer de manière pérenne ses atouts dans leurs collections. 

Alors que 80% de la production mondiale de fibres d’Europe de l’Ouest partait en Asie pour ses différents traitements, la reconstruction d’une filière européenne, basée sur le réapprentissage, la transmission et le savoir-faire, se constitue.

La France se dote de nouveau de filatures, pour permettre de développer un produit complet à l’échelle locale, du champ à la confection. Le Portugal, l’Italie, la Pologne, et la Lituanie ne sont pas en reste avec des filatures fraichement opérationnelles, ou en projet à horizon fin 2022.

Là où la demande est bien plus forte que l’offre, le développement de fibres libériennes pourrait se faire à tour de bras. Les enseignements de l’envolée effrénée du coton, avec des pratiques intensives épuisant les écosystèmes, devront servir de garde-fou.

Cette manne potentielle devra être combinée avec le maintien des qualités environnementales et sociales, pour conserver cette image de figure de proue des matières responsables. Les travaux accompagnés par la CELC veillent notamment à un développement encadré selon des critères qualitatifs allant jusqu’à une indication géographique protégée, preuve qu’il est possible de mener croissance et raison.

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