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Smart Tech Expert : Révolutionner le parcours des produits avec TrusTrace

Interview de Shameek Ghosh, CEO de TrusTrace

Première Vision Denim Milan November 2023

Pour accompagner le dernier livre blanc de Première Vision en collaboration avec The Interline – Mode & Technologie : Comment la technologie transforme la mode – nous avons donné la parole à quatre entreprises de la tech. Elles nous partagent leur point de vue sur la façon dont la technologie réinvente notre manière de travailler dans plusieurs domaines clés, du design à la transparence dans la chaîne d’approvisionnement.

Comme de nombreux acteurs spécialisés dans les avancées technologiques appliquées au domaine de la mode, TrusTrace était présent lors de l’édition AH 24-25 du salon PV Paris. Nous avons pu rencontrer son CEO, Shameek Ghosh, qui nous a accordé une interview exclusive. Au cours de cet entretien, il est revenu sur l’évolution rapide du paysage législatif, les différents niveaux de traçabilité tout au long de la chaîne d’approvisionnement et les risques liés à celle-ci. Il nous a également expliqué l’importance d’établir une relation de confiance sur le long terme avec les fournisseurs de la chaîne d’approvisionnement.


Pouvez-vous nous décrire les risques actuels liés à la chaîne d’approvisionnement ? À votre avis, où les marques sont-elles le plus exposées aux menaces liées à la fragilité de la chaîne d’approvisionnement et au manque de visibilité ?

Aujourd’hui, les risques sur les chaînes d’approvisionnement sont si nombreux qu’il peut être difficile de savoir où concentrer ses efforts. C’est là qu’est le principal défi. Car il existe tout autant des risques sociaux, comme le travail forcé, le travail des enfants ou les salaires trop bas, que des enjeux de santé et de sécurité, ou des risques environnementaux liés aux émissions de carbone, à l’utilisation de produits chimiques, aux microplastiques ou aux déchets. Et c’est sans compter sur les potentielles perturbations liées à différents

facteurs, comme le changement climatique, qui peut causer des inondations, les guerres, les pandémies, ou encore les navires porte-conteneurs qui se retrouvent bloqués dans un canal. Pour moi, la plus grande menace ne repose pas sur un seul risque en particulier, mais sur l’incapacité d’identifier, de mesurer et de réduire tous les risques majeurs, à cause d’un manque de visibilité ou, lorsque l’on dispose de cette visibilité, à cause d’un manque de données détaillées sur les conséquences du risque en question.


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De nombreuses entreprises ont du mal à se conformer à la législation sur la durabilité, simplement parce qu’elles n’ont pas recueilli les données qu’elles se doivent de divulguer. Comment ces entreprises peuvent-elles remédier à ce problème de visibilité et recueillir les informations nécessaires à chaque étape du parcours produit ?

Le paysage législatif est en constante évolution. On voit de nouvelles réglementations apparaître régulièrement, et d’anciennes être mises à jour tout aussi souvent. Dans ce contexte, il peut être difficile de rester au fait. Cependant, il est essentiel de bien comprendre ce que ces changements entraînent en matière de déclaration. On peut alors commencer à cartographier les besoins en données aux différents niveaux de conformité, et ce, avant même l’entrée en vigueur de la réglementation.

Smart Tech interview

Si l’on attend de voir ce qui se passe lorsqu’une réglementation entre en vigueur, on peut être pris au dépourvu et ne pas disposer des documents nécessaires.

Dans ces cas-là, on peut se retrouver avec des cargaisons coincées, devoir payer des amendes, ou ne plus pouvoir faire de commerce dans certaines régions. La réputation de la marque peut aussi en souffrir. Les entreprises doivent donc :

  • Analyser les lois et les réglementations liées à leur profil de risque (c’est-à-dire les lieux où elles se fournissent, les marchés sur lesquels elles commercialisent leurs produits, les documents qu’elles utilisent, etc.), afin de comprendre quelles réglementations prioriser.
  • Cartographier les données dont elles ont besoin pour se conformer à ces réglementations, ainsi que les données de qualité dont elles disposent déjà, afin d’identifier de potentielles lacunes dans leurs connaissances.
  • Établir un échéancier pour acquérir les connaissances manquantes, afin d’avoir une vision claire des exigences et des dates butoir.
  • Grâce à ces informations, déterminer comment obtenir les données de manière efficace, avec un niveau de qualité répondant aux exigences des organismes de réglementation, peut-être même à l’aide d’un système de traçabilité numérique.

Pouvez-vous nous parler des différents niveaux de traçabilité – cartographie des fournisseurs, traçabilité des produits et des matériaux – et comment ils se conjuguent pour constituer le parcours produit ?

C’est assez simple. Il faut d’abord savoir à qui demander les données, puis déterminer la granularité des données dont on a besoin. On peut presque considérer cela comme un « parcours vers la maturité ».

On commence par cartographier ses fournisseurs, afin de savoir qui sont les acteurs dont on a besoin au sein même de son réseau pour obtenir les données nécessaires. La plupart des entreprises n’ont pas de visibilité sur leur chaîne d’approvisionnement au-delà du rang 2. Beaucoup ne l’ont même pas : c’est le cas lorsque l’on s’approvisionne principalement auprès d’agents. Une fois les fournisseurs cartographiés, on peut recueillir des informations ESG à leur sujet, collecter des audits

et des évaluations, par exemple, ainsi que des « scope certificates » pour le traitement des matériaux certifiés.

Quand on connaît ses fournisseurs, on peut commencer à collecter de la donnée sur son produit pour chaque envoi, au fur et à mesure que les marchandises circulent au sein de la chaîne d’approvisionnement. En fonction de ses priorités, on peut se contenter d’informations relatives au produit, telles que le lieu de fabrication, le fabricant ou le processus utilisé. En revanche, on devra s’intéresser plus en détail au matériau pour recueillir certaines données. C’est le cas si l’on cherche à obtenir le poids exact des composants, afin de démontrer le pourcentage de matériaux recyclés.


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À votre avis, quelle est la prochaine étape pour suivre et améliorer le parcours produit, une fois les informations recueillies auprès des différents systèmes (e-mails, feuilles de calcul, PLM et ERP) et consolidées dans un seul et même endroit ? Avez-vous d’autres exemples d’informations et d’automatisations ?

Intégrer des informations dans un système de traçabilité numérique facilite l’accès aux données dont on dispose et leur analyse, mais cela ne signifie pas pour autant que l’on a automatisé tous ses processus. Les entreprises ne disposent pas forcément de l’infrastructure de données requise ni de données de haute qualité dans les systèmes PLM et ERP, qui constituent pourtant la base de la traçabilité automatisée à grande échelle. Mais une fois qu’elles ont ces informations, elles sont bien plus à même de suivre les produits en temps réel, tout au long de leur trajet sur la chaîne de valeur.

En réalité, ce qui se passe, c’est que lorsque l’on soumet un bon de commande, le système de traçabilité déclenche la traçabilité de celui-ci. Il remonte alors jusqu’au premier fournisseur connu dans le réseau pour ce bon de commande en particulier, afin que l’information soit recueillie à chaque point de transformation entre les différents niveaux.

Smart Tech Expert series

Cela signifie que lorsqu’un produit est fini, il est déjà accompagné de toutes les données de traçabilité pertinentes, qui peuvent être facilement exploitées dans une démarche de conformité ou être partagées avec les consommateurs.

Mais cela signifie également que l’on peut identifier du gaspillage potentiel, et inventorier et rediriger les chaînes d’approvisionnement en temps réel, grâce à une vue parfaitement à jour de la production. Il ne s’agit donc pas seulement de respecter la réglementation en vigueur. Il s’agit de gagner en efficacité et de rendre la chaîne plus résiliente, ainsi que de trouver des moyens d’améliorer son impact.

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La notion de confiance est présente dans le nom de TrusTrace. Selon vous, comment construit-on une relation de confiance dans la chaîne d’approvisionnement ? Comment transparence et confiance peuvent-elles aller de pair ?

Quand on parle de confiance au sein des relations de la chaîne d’approvisionnement, il y a deux principaux aspects à prendre en compte : la confiance dans la relation marque-fournisseur, qui est nécessaire pour s’assurer que le fournisseur est prêt et motivé à partager des données, ainsi que la confiance dans la qualité des données elles-mêmes.

L’une des principales préoccupations des marques est de savoir si les fournisseurs seront prêts à partager des informations avec elles. Dans les relations fournisseurs où la confiance n’est pas de mise, cela peut devenir un réel problème. Comme le partage des données demande de gros efforts aux fournisseurs, ceux-ci doivent non seulement comprendre pourquoi on leur demande des données, mais ils doivent aussi avoir conscience de la valeur que cela peut leur apporter. Certains avantages peuvent motiver les fournisseurs et permettre d’établir des relations de confiance. On peut par exemple garantir aux fournisseurs un volume d’affaires plus important, verser une prime lors des commandes, connecter les fournisseurs à un financement durable de la chaîne d’approvisionnement ou encore réduire les conditions de paiement.

TrusTrace Smart Tech

Pour nous, une collaboration d’égal à égal avec ses fournisseurs est essentielle, non seulement pour assurer la réussite de la démarche de traçabilité, mais aussi pour rendre toute l’industrie plus équitable.

Concernant les données elles-mêmes, le greenwashing et le manque de données significatives ou comparables ont pu décevoir les consommateurs. Certains ne savent plus s’ils peuvent accorder leur confiance ni s’ils prennent la bonne décision. En matière de données, la transparence n’a pas de sens s’il n’y a pas de confiance. Mais pour qu’il y ait de la confiance, il doit y avoir des preuves de confiance. Si l’on veut raconter une histoire sur un produit, on doit pouvoir illustrer cette histoire de preuves concrètes. C’est là que la traçabilité peut aider. Elle assure la véracité de ce qui est

dit aux consommateurs ou aux régulateurs au sujet d’un produit. Le modèle de ce secteur a besoin d’être transformé en profondeur. Sans données fiables, il est difficile de prendre les décisions majeures qui acteront la transformation de sa chaîne d’approvisionnement. C’est pour cela que le sujet des données nous tient autant à cœur. Nous sommes convaincus que lorsque l’on dispose de données de bonne qualité, de données de confiance, on peut agir et même persuader les autres d’agir. Et c’est comme cela que l’on parvient à déplacer des montagnes.

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