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Gloria Jover : L’industrie textile espagnole et son engagement durable

Gloria Jover, fondatrice de sa propre société EGJ, spécialisée en conseil textile et design, en prospection et stratégie de produit, analyse du comportement du consommateur, prévision des couleurs, textures et concepts est également professeur universitaire en design. Elle représente l’Espagne aux concertations internationales de Première Vision.

Dans cet article, elle nous parle de l’évolution du textile espagnol au regard des préoccupations écologiques

Une partie de l’industrie espagnole encore sous les feux de la rampe aujourd’hui, l’est parce qu’elle a été visionnaire et a compris dans le passé qu’un positionnement éthique et durable serait essentiel pour maintenir son activité à l’avenir, bien avant que l’agenda public ne commence à évoluer en faveur du changement du paradigme environnemental.
L’industrie textile espagnole tente de plus en plus d’hybrider et de combiner le concept aristotélicien d’ethos, logos et pathos dans ses activités et ses produits.

Cette réflexion, qui a été suivie d’importantes actions et investissements industriels stratégiques, porte aujourd’hui ses fruits et place les grandes entreprises textiles espagnoles à la tête de la chaîne de valeur textile européenne.

Le recyclage, la minimisation de l’empreinte hydrique et la traçabilité sont les points mis en avant par la plupart des acteurs de l’industrie textile. Consciente de la nécessité d’augmenter la viabilité du recyclage de textile à textile, qui ne représente jusqu’à présent que 0,5 % du marché mondial, l’industrie espagnole s’est lancée à la conquête de la création d’une réalité quantitative et qualitative en référence à la réutilisation des matières premières.

D’ici 2025, il sera obligatoire en Espagne de disposer d’un système efficace de collecte sélective et de gestion des déchets textiles.
Pour de nombreuses entreprises, cependant, la lutte pour la traçabilité par la certification de l’ensemble de la chaîne de valeur est encore très compliquée à l’heure actuelle. Il s’agit d’un processus long et exigeant qui implique le dévouement d’un large éventail d’équipes de l’entreprise. 

Bien qu’il y ait un grand intérêt à mettre en place des accréditations et outils pour soutenir un secteur plus propre et plus équitable, pour le moment, avec des pays confinés et des équipements à 50% de leur capacité, le travail devient ardu.
Les projets dans le secteur de la filature deviennent de plus en plus nécessaires car nous considérons que l‘approvisionnement en fibres et fils recyclés est un point essentiel pour réintégrer les déchets dans le circuit textile, créant un nouveau gisement en faveur de l’indispensable circularité.

L’un des défis les plus importants de l’évolution verte est la création de ReHubs en Espagne, financée par Euratex dans le but de promouvoir la collecte de vêtements post-consommation pour le recyclage à partir de 2023.

Nous soulignons des projets tels que celui d‘Hilaturas Ferre, qui a vendu en 2020 son activité de fibres recyclées RecoverTM au fonds américain Story3 Capital, en apportant son soutien à la mise en place de nouvelles usines de production au Vietnam, au Pakistan, au Bangladesh et en Amérique centrale. Tout cela grâce à un contrat avec Happypunt, un opérateur de conception et de production de la chaîne de valeur basé à Barcelone, qui, avec la grande entreprise sud-coréenne Hansae, offre un service de bout en bout aux marques et aux grandes chaînes de distribution, en créant des collections et en fabriquant à partir de l’éco-conception. RecoverTM   a également reçu le prix Disruptor lors des Drapers Awards en 2021 pour ses efforts en faveur du recyclage des textiles.

Un autre engagement important est celui de Tejidos Royo, qui vient d’agrandir sa filature afin d’être autosuffisant en fibres de coton post-industriel et post-consommation 100% recyclées pour ses produits Denim, intégrant également des fibres élastomères recyclées, cherchant à offrir 100% de ses produits Denim entièrement recyclés. Sans oublier la précieuse innovation de sa technologie exclusive Dry Denim qui offre une ligne de tissus bleus et noirs teints sans eau.

Jeanalogia  a su traverser ces 2 dernières années avec courage et continue à travailler également avec la responsabilité axée sur la disparition de l’utilisation de l’eau dans le processus de finition du denim et de diminuer le recours aux substances chimiques. Leur créativité est sans limite, tant dans la création de produits textiles que de machines innovantes en faveur de la durabilité et de la réduction des émissions de CO2.

Une autre entreprise engagée dans la durabilité comme facteur de différenciation est Belda Llorens,  sous la marque Ecolife®, spécialisée dans la filature à partir de déchets post-industriels et post-consommation. L’année dernière, l’entreprise a continué à se concentrer sur des produits fabriqués à partir de matériaux traçables, dont un coton à bilan carbone positif.

Un autre axe est la décarbonisation du secteur par l’incorporation de tissus avec des fibres biotechnologiques CarbonSmartTM  par fermentation du recyclage des déchets de carbone, afin de minimiser l’impact des émissions dans l’atmosphère.

Les projets de collaboration entre les filateurs, les tisserands et les marques de mode ont également été des paris gagnants. La volonté de créer la circularité et la coopération est l’intérêt du projet entre Antex, Textil Santanderina et Ecoalf, une marque de mode technique et urbaine qui est née pour donner une vraie réponse en matière de qualité écologique. Une initiative de durabilité et d’éco-conception qui porte ses fruits depuis plusieurs années déjà.

L’industrie de la soie est également sur la voie de la mise en œuvre de solutions écologiques. En parlant avec Rosa Pujol de Gratacós, elle nous assure que l’utilisation de fibres recyclées est de plus en plus présente dans ses collections de soie, mais pour l’instant, cela n’implique pas une réduction des coûts ; au contraire, travailler avec des fibres plus respectueuses est une question de responsabilité environnementale, car ce sont presque toujours des produits plus chers. Nous comprenons donc que la lutte pour l’environnement est également liée à l’acceptation de prix plus élevés, de qualités éthiquement plus riches sans perdre la haute valeur ajoutée esthétique qui caractérise le secteur.

À partir du recyclage du polyester Seaqual, les articles de Textil Santanderina sont utilisés pour consturire la collection de vêtements de cette marque , EcoAlf, qui ne travaille qu’avec des matériaux et des processus durables. Cette initiative est la réponse vivante aux nouvelles façons de construire des projets où les valeurs respectueuses de l’environnement sont au cœur de l’ADN de toute la chaîne de valeur.

Textil Santanderina a également réussi à obtenir un financement gouvernemental pour améliorer encore son évolution en matière de durabilité, où la décarbonisation devient l’objectif principal.

Un autre aspect pris en compte est de réduire autant que possible l’utilisation de produits chimiques toxiques. L’une des solutions à ce problème est d’accroître l’utilisation des finitions mécaniques plutôt que chimiques. Broyage, cardage, émerisage, calandrage sont plus que jamais présents dans les collections.

D’autre part, les fabricants espagnols de laine tels que Textil Dobert s’efforcent de créer des collections en fibres naturelles, en favorisant la biodégradabilité et en essayant d’éliminer autant que possible les produits toxiques dans le processus de finition et de teinture. C’est là que la certification Gots est pertinente.

La start-up textile Pyratex a déjà commencé avec une identité de marque liée à la durabilité et au design, où la sensorialité et les fibres naturelles de nouvelle génération sont l’âme de sa proposition de textile tricoté. Avec un soutien financier de plus en plus important, puisque Asics venture Capital et Waveform Investments ont cru en leur projet d’entreprise en 2021, ils continuent à créer des tissus innovants, réalisant 90 % de leur chiffre d’affaires à l’étranger. Pyratex a mis au point et breveté plus de vingt tissus innovants fabriqués à partir de fibres végétales telles que des algues, des orties ou des déchets agricoles issus de la production de bananes et d’ananas. Ils travaillent déjà avec LVMH, Camper et Phillip Lim.

En conclusion, face aux difficultés du présent, l’Espagne continue de vouloir faire partie de cette transformation positive que les industries du textile et de la mode appellent. La digitalisation est désormais également essentielle et constitue un autre type de réponse efficace à la reconfiguration de l’ensemble de la chaîne. Par exemple, la conception et le prototypage à l’aide d’outils numériques et d’imprimantes 3D, comme le projet d’Ane Castro et Núria Costa, fondatrices de Zer Era, qui travaille sur la résilience, la réduction des produits matériels, sans perdre la créativité et d’ouverture à la personnalisation. Pour de nombreuses entreprises, c’est le nouvel outil pour éduquer, connaître et développer.

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