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La Couleur Écoresponsable dans le Cuir

La couleur est affaire de transformation chimique et son application dans la filière cuir n’échappe pas à la règle.

Fortement consommateur de ressources, notamment en eau et en énergie, le processus lié à la couleur est aussi décrié pour les agents chimiques utilisés qui, sans traitement adéquat, peuvent être rejetés dans l’environnement. 

Concernant la couleur, comme pour le textile, l‘industrie du cuir se mobilise pour proposer des alternatives plus vertes, déployées sur toute la chaîne de production.

©Pennacchio Argentato

Les différentes étapes et possibilités de coloration

Attribuer sa couleur définitive à un cuir est possible à différentes étapes du processus de transformation. Afin de bien comprendre ces différentes possibilités de coloration et les caractéristiques qui en découlent, un petit rappel des 4 différentes étapes de la transformation de la peau semble ici nécessaire.

  • Le travail de rivière, dans un premier temps comprend le nettoyage. Cette étape a pour but de préparer la peau au tannage.
  • Puis intervient le tannage dont l’objectif est de rendre la peau imputrescible grâce à l’action des tanins. Ces derniers peuvent être des substances de différente nature : végétale, minérale, synthétique ou combinée. À cette étape, la peau n’a pas encore de spécificités de comportement ou d’aspect de surface.
  • C’est durant l’étape du corroyage ensuite, que ces spécificités vont apparaitre. Cette étape comporte de nombreuses opérations dont le retannage, la nourriture et la teinture. On parle alors de teinture en plein bain ; le cuir est teint dans la masse. Lorsque le cuir fini est teint uniquement selon ce procédé, sans re-pigmentation supplémentaire en surface, on parlera de cuir aniline (ou plongé dans le cas de cuirs d’agneau pleine fleur).
  • L’étape du finissage enfin, regroupe l’ensemble des opérations qui confèrent au cuir propriétés protectrices (contre les tâches, le frottement, l’eau ou la lumière), ainsi que des caractéristiques esthétiques concernant les reliefs, la brillance, la couleur, le toucher. Cela comprend tout un éventail de techniques d’ennoblissement qui donneront au cuir son aspect de surface final. C’est à cette étape que la peau peut être colorée ou recolorée en surface : pour rectifier la couleur, l’intensifier ou pour apporter une fantaisie chromatique comme une patine, ou des doubles tons. Les cuirs ayant subi une coloration additionnelle de surface sont appelés cuirs pigmentés.

Spécificités des deux techniques habituelles de coloration

  • Cuirs plongés ou anilines : la teinte du cuir n’étant obtenue que par immersion dans un bain de teinture, la couleur est travaillée en transparence, elle pourra se patiner avec le temps. La surface et les irrégularités naturelles de la peau restent visibles.
  • Cuirs pigmentés : une couche opaque de pigment est appliquée sur la surface de la peau, donnant un aspect couvert, régulier, homogénéisé à la peau. Cette finition pigmentée permet d’obtenir des coloris clairs, blancs optiques, non altérés par la couleur initiale de la peau.

La consommation d’eau, d’énergie et de produits chimiques utilisées à ces différentes étapes, ont poussé les entreprises à des recherches et développements plus vertueux. 

Aujourd’hui, de nouvelles solutions écoresponsables émergent, permettant d’obtenir des coloris francs et intenses, tout en réduisant l’impact environnement. Ces solutions sont liées à la diversification des modes de tannages, notamment en tannage métal free, comme le tannage végétal, le tannage synthétique ou chrome Free.

Tannage végétal

Si le tannage au chrome reste le plus employé – 80 à 85 % de la production de cuir mondiale – sa formulation chargés en métaux lourds peut avoir des conséquences sur l’environnement.

Le tannage végétal, méthode naturelle et traditionnelle de tannage utilisant des végétaux au propriétés tannantes, bénéficie aujourd’hui d’un regain d’intérêt. Cette méthode ancestrale pour transformer la peau brute en cuir fini, permet de développer un large panel de produits totalement durables. Au-delà de son aspect écoresponsable, les caractéristiques physiques et esthétiques du tannage végétal lui confèrent une vraie singularité. Toucher ferme et sensuel, il se patine avec le temps, et préserve le caractère unique de chaque peau.

Les basanes – Teintes originelles

Les cuirs basanes, sont les cuirs non teints, issus du tannage végétal. Sans aucun finissage, ils se patinent et arborent naturalité et authenticité. Beiges rosés à l’origine, les basanes « bronzent » à la lumière du jour à mesure qu’elles vieillissent jusqu’à obtenir des teintes miel. Cette photosensibilité leur apporte, avec ce hâle naturel, une marque de noblesse.

Diversification des tannins

  • Nouvelles basanes – Colorations naturelles et tannins circulaires

Aujourd’hui, de nouveaux extraits végétaux aux propriétés tannantes apparaissent ouvrant les possibilités en termes de comportement et coloration. Leurs vertus colorantes permettent de combiner l’étape du re-tannage et la coloration des peaux : les cuirs sont re-tannés et colorés en un même bain grâce aux pigments naturellement présents dans ces tannins.

Ces solutions faisant l’économie des étapes de teinture et de pigmentation réduisent ainsi la consommation en eau et en énergie, ainsi que l’impact des produits chimiques sur l’environnement, les finissages pigmentés étant parfois composés de solvant, de composés organiques volatiles.

Ces tannins viennent élargir la gamme des teintes nude des basanes et permettent une meilleure maîtrise dans l’obtention du coloris définitif souhaité.Chacun de ces tannins apporte ses caractéristiques en termes de teinte : ainsi, le mimosa donnera des teintes rosées, l’acacia des tons crème, le quebracho, lui, apportera des nuances rougies.

Au-delà de l’usage des propriétés naturellement colorantes des végétaux, la circularité s’invite aujourd’hui au cœur des procédés, avec l’emploi de tannins solutionnés à partir de résidus agro-alimentaires, qualifiés de tannins circulaires. Depuis quelques années, les initiatives favorisant une symbiose industrielle ont commencé à se développer. Établir des réseaux collaboratifs entre industries, faire coopérer l’agro-alimentaire et l’industrie textile ou du cuirs, permet aujourd’hui des innovations prometteuses, notamment avec l’emploi des déchets, jusqu’alors inutilisés. Ces produits s’inscrivent dans une économie circulaire afin d’optimiser toute ressource exploitée, et  diminuer ainsi l’empreinte écologique. 

Cette approche se décline avec le thé, le henné, le marc de café, ainsi qu’avec des tannins issus de marc de raisin purifié, provenant des procédés de vinification, pour des doux camaïeux coloris lie-de vin. Cette approche valorise les ressources locales, riches en polyphénols, et offre une alternative aux teintures conventionnelles.

Nouveaux coloris vifs en tannage végétal  

Si la réponse à la couleur du cuir tannage végétal rendait plus difficile l’obtention de coloris vifs, des innovations dans ce domaine, démentent aujourd’hui cette caractéristique et ouvrent la voie à de plus larges applications en couleur. Une meilleure absorption de la teinture est désormais possible.

On utilise également ici des tannins circulaires, comme la racine de rhubarbe ou les feuilles d’olivier provenant des cultures d’huile d’olive. Une fois ces végétaux transformés en actifs tannants, il en résulte une solution exempte de métaux et de tout agent tannant chimique. Ce nouveau procédé améliore de façon significative la réponse du cuir à la couleur, en comparaison aux tannages végétaux habituels, et permettent d’obtenir des coloris intenses en teinture plein bain. Chez les tanneurs explorant ces nouveaux procédés, les finissages se font également à moindre impact avec des apprêts sans solvant à base aqueuse, ou des cires végétales apportant douceur et souplesse. Ces nouvelles ressources renouvelables, outre leurs propriétés colorantes, apportent aux cuirs une véritable identité, des parfums subtiles  et des propriétés tactiles inégalables.

Tannage métal Free & chrome Free

Metal Free Synthétique

Le tannage métal free est un tannage sans chrome ni autre métal, à base d’agents tannants de synthèse élaborés à partir de composés organiques : polymère, polyphénol, glutaraldéhyde modifiée, triazine). C’est un tannage qui n’a pas de formulation officielle ; chaque tanneur développe ses propres recettes, parfois brevetées et assorties de normes environnementales. Ce type de tannage bénéficie d’un intérêt grandissant, en raison de son absence de métaux dans son procédé de transformation.

Les cuirs issus de ce mode de tannage sont appelés les cuirs WET WHITE, car ils ont la particularité d’arborer, à la sortie du foulon, un blanc pur, intense, éclatant, qui sera une base parfaitement adaptée, destinée à des coloris intenses ou des pastels lumineux.

L’appellation WET WHITE s’oppose aux WET BLUE, cuirs provenant d’un tannage au chrome, nécessitant une re-pigmentation de la peau afin d’obtenir des blancs optiques.

Chrome Free

D’autre part, des nouvelles générations de tannages sans chrome, sans métaux lourds, bisphénol A ou encore glutaraldéhyde sont actuellement en développement. Rappelons que le glutaraldéhyde au même titre que le bisphénol A, fréquemment employés en tannage synthétique, ont été inscrits sur la liste SVHC (substances extrêmement préoccupantes). Ces solutions accordent aux peaux des propriétés proches de celles au tannage chrome et ouvrent également la voie à des couleurs claires ou très intenses, résistantes à la lumière. Une technologie récente, formulée à base de zéolite, un minéral qui se fixe sur le collagène de la peau, procure ainsi aux cuirs des propriétés presque similaires à celles du tannage chrome.

Circularité

D’autres technologies ayant également pour objectif d’obtenir une meilleure réponse à la teinture et une large diversité chromatique se développent en tannage végétal, avec des solutions de tannage mixant tannins végétaux et biopolymères. Développés en collaboration avec les autres acteurs sur l’ensemble de la chaine de valeur : fabricants de solutions de finissages et fabricants de fertilisants, les cuirs finis utilisant ces nouvelles solutions organiques améliorent considérablement leur potentielle recyclabilité. L’absence de composés chimiques polluants permet ainsi de revaloriser les chutes de cuir finis et les déchets de production leur permettant par exemple, de devenir un engrais biologique.

Pour aboutir à un produit revalorisable en fin de vie (biodégradable selon les critères ISO 20136, ou certifié cradle to cradle), une approche 360° est nécessaire. Ce cercle vertueux passe par un choix de teinture plus propre, combiné à un finissage plus respectueux.

Cycle de vie de la couleur

La prise en compte, dès sa conception, de la fin de vie du produit et de l’impact environnemental de son processus de fabrication, est donc un facteur essentiel d’une démarche écoresponsable et le choix du procédé de coloration sera un critère important.  

Les nombreuses innovations en ce sens s’attèlent à concilier les caractéristiques recherchées dans le cuir avec un impact environnemental réduit et non polluant, pour obtenir un cuir fini bénéficiant d’une analyse de cycle de vie optimale. Les recherches et développements tendent aujourd’hui vers des options écoresponsables de plus en plus adaptées aux propositions créatives des designers en termes de couleur. Variées et stabilisées, qu’elles soient vives, intenses, ou patinées…

Et au-delà encore d’une approche globale, l’association des savoir-faire est un élément indispensable, et la transparence tout au long de la chaîne de fabrication, cruciale, afin de pousser les recherches et étendre les solutions vers davantage de qualités, créativité et performances, avec toujours plus de vertuosité.

Pour aller plus loin, consultez notre Lexique Technique : Le Vocabulaire du Cuir

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