Ariane Bigot « Plus que jamais, un désir pour la matière et le toucher » Le 12 février 2021 - Première Vision Paris

Comment la mode poursuit-elle sa route dans ce contexte inédit ? Comment anticiper les tendances du printemps-été 2022 ? Ariane Bigot vous dévoile les premières pistes identifiées par l’équipe mode de Première Vision.

Dans cette période totalement inédite, les tendances sont-elles également bousculées ?

Le secteur est évidemment bouleversé et pourtant, certains courants de fond semblent se renforcer. La question de l’écoresponsabilité, de plus en plus présente, participe à accélérer les nombreuses mutations déjà engagées. Certains acteurs ont également tiré parti de ce ralentissement de l’activité pour prendre de la distance et alimenter des interrogations autour de l’accélération des rythmes, d’une trop grande uniformisation de l’offre. Cette remise en question permet d’esquisser de nouvelles directions, de casser ou d’améliorer certaines logiques. Elle offre, plus globalement, l’opportunité de répondre de façon neuve à une envie de mode qui semble intacte, voire fortifiée par la frustration de ces derniers mois.

Comment ce désir se traduit-il pour la saison Printemps/été 22 ?

La mode se veut forte et joyeuse ; pour échapper à la morosité ambiante, pour s’émanciper aussi des archétypes et des réinterprétations. Plus fraîches et plus audacieuses, les propositions célèbrent la séduction sous toutes ses formes. D’une part, un côté sexy et extraverti assume la franchise, l’hyper coloré, les reliefs exacerbés. De l’autre, une sensualité plus intime, plus discrète, vient répondre à une envie renouvelée pour la matière et le toucher. Le plaisir d’une expérience tactile va constituer une marque de différenciation et une valeur ajoutée forte, le signe d’une qualité intérieure. Tout cela était souvent dissocié de l’envie de mode. Cette saison, le désir se porte sur tous les terrains ; le visible, le sensoriel, l’émotionnel.

Cette évolution tient largement aux multiples innovations engagées…

Cette rencontre avec la matière est en effet rendue possible grâce à des mélanges écoresponsables plus aboutis. On constate une meilleure maitrise dans la mise au point des produits et leur utilisation. Dans le domaine des cuirs, l’évolution du tannage végétal génère de nouvelles mains, de nouveaux touchers. Le plaisir de la matière est totalement renouvelé grâce à la progression de ces matières vertueuses, et ceci pour l’ensemble de la filière.

Les couleurs marquent elles aussi ce désir de renouveau ?

Elles traduisent surtout une envie de lumière. Celle-ci se décline dans des versions solarisées, des nuances dégradées et fraiches qui fonctionnent comme un halo. On observe des clartés plus douces avec les teintes naturelles du lin et du chanvre, des neutres à la fois chauds et raffinés. Le désir de vitalité se traduit par l’intensification des couleurs de la nature, avec des verts plus artificiels, une nature sublimée avec des oranges, des roses intenses. Enfin, l’univers numérique trouve aussi son expression avec des pastelisés où les mauves, violets, rosés oscillent entre mat et brillant.